Journal d’un retour : la découverte de Kigali

Le 25 janvier 2014. Cette date je l’ai tellement attendue. C’était le premier vol long courrier d’Adèle et nous allions enfin au Rwanda . Quand l’avion s’est posé sur la piste à Kigali, j’ai été bouleversée. Il avait plu avant l’atterrissage, et quand les hôtesses ont ouvert, l’odeur de la pluie m’a littéralement percutée et j’ai pleuré. Mon mari ne comprenait pas ma réaction mais cette odeur, celle de la laterite après la pluie c’était une odeur qui m’avait tellement manquée et qu’on ne peut sentir que par ici . C’était tout une vague de souvenirs d’enfance qui débarquait. Et avec elle, beaucoup d’espoir aussi.

Nous avons fait les formalités à la douane et sommes sortis rapidement. Mon oncle, qui est en fait le cousin de ma mère , mais que je considère depuis ce séjour comme un oncle, nous attendait. Nous avons traversé la ville pour se rendre chez lui. J’étais surexcitée. L’atmosphère, l’effervescence de la ville, et toujours cette odeur de terre mouillée, mon cœur battait à la chamade.

Pour ce voyage nous n’avions rien prévu d’un point de vue touristique , à part 2 jours à Gisenyi, nous voulions nous imprégner de la ville, rencontrer un ami que j’avais connu sur les bancs de sciences po, essayer de comprendre ce qui se faisait et comment les choses se faisaient ici. Joël, mon ami, nous a invité à une soirée au début du séjour , c’était dans un bar à Remera, lemon tree ou quelque chose comme ça. Le bar depuis a changé de nom, plusieurs fois. Nous y avons rencontrés d’autres jeunes de la diaspora rentrés au pays . Fraîchement pour certains, depuis plus longtemps pour d’autres. Et chaque rencontre était tellement intéressante, nous posions mille questions à ceux que l’on croisait. Deux choses revenaient régulièrement : la joie que procurait le fait de rentrer et le fait qu’ici tout était possible si on avait le courage de ses ambitions . Nous étions à peine là depuis quelques jours mais, John et moi étions déjà séduits, et chacune des rencontres nous apportaient un peu de plus de motivation.

Comme à notre habitude lorsque nous voyageons , nous souhaitions tester les restaurants de la ville . On mettait Adèle au lit , puis mon oncle et son fils la gardaient, nous laissant ainsi la soirée libre pour explorer Kigali . À cette époque, la liste des restaurant étaient assez courte. Et à chaque endroit le temps d’attente plutôt long voir vraiment long , avec souvent des plats annoncés mais qui manquaient finalement quand on les commandait . Nous étions surpris par le fait aussi que la plupart des cartes se ressemblaient. Les gourmands que nous sommes étions étonnés . Un mélange de grillades, de plats indiens, de pizzas à peu près partout . Nous avions visité le marché de Kimironko avec le cuisinier de mon oncle et il nous semblait pourtant que le Rwanda ne manquait pas d’ingrédients différents. En rigolant, nous avons commencé à évoquer l’idée d’ouvrir notre endroit . Puis à glisser cette idée par ci par là, et les réactions étaient souvent très positives.
Nous retenions une chose c’est que niveau culinaire on s’ennuyait à Kigali, avec peu d’offres et des menus répétitifs, et qu’un restaurant qui ferait une bonne cuisine pourrait marcher d’après ceux que nous croisions . À ce moment là , trois idées nous venaient en tête : un concept de burger bar où l’on déclinerait des délicieux burgers en take away façon Shake shack ou Burger Bar , une maison d’hôtes dont la table serait ouverte 3 fois par semaine , et enfin un bistro, mais cette dernière idée nous semblait un peu plus folle que les deux autres vu notre inexpérience.

L’idée du burger bar fut vite balayée d’une part car les gens ne semblaient pas avoir envie de fast food aussi qualitatif soit-il, et aussi car la ville étant petite la rentabilité était vraiment mauvaise (oui même en vacances on faisait nos petites projections sur Excell ) . Le noyau de clientèle potentiel serait vraiment minuscule. La maison d’hôtes fut elle balayée par le RDB (l’office du développement où chaque entreprise s’inscrit et où nous étions allé nous renseigner sur ce qui était possible ou non ) qui n’avait pas ce concept dans les options de business autorisés . Soit c’était un restaurant, soit c’était un hôtel mais pas de maison d’hôtes.

Nous étions un peu dépité car cette formule nous semblait pourtant la moins risquée vu que nous n’avions aucune expérience de la restauration, mis à part un job de serveuse pour moi et une expérience chez un traiteur pour mon mari, lorsque nous étions étudiants . Cela dit, nous savions une chose : nos goûts et nos attentes en terme de restaurant étaient des atouts. Nous ne savions pas encore si nous pourrions gérer un restaurant mais nous savions ce qu’un client attend d’un restaurant. En premier lieu de la bonne nourriture, gourmande, travaillée, créative, bien présentée et si possible pas trop répétitive, un service rapide et charmant , une atmosphère agréable. Et nous avions le sentiment qu’il n’y avait pas encore d’endroit réunissant tout cela, à ce moment là.

À côté de nos recherches, nous passions aussi du temps à nous balader dans Kigali. Adèle était comme un poisson dans l’eau. Elle profitait du jardin de mon oncle, courrait partout où nous allions, elle découvrait les fruits de la passion, les mangues, les prunes, le ikivuguto et le lait frais (elle avait 18 mois et depuis ses un an buvait du lait entier et pas 3ème âge, donc arrivé à Kigali on lui a fait découvrir le lait frais des milkbar ) qui semblait lui plaire encore plus. Nous avions aussi pris le temps de passer 2 jours à Gisenyi, au bord du lac Kivu.
Le trajet et les paysages rwandais avaient fini de me rendre follement amoureuse de ce pays. Tout le monde s’adressait à moi en kinyarwanda et me faisaient savoir que j’étais d’ici. J’étais très ennuyée de ne pas pouvoir échanger mais aussi flattée d’être reconnue, si je puis l’exprimer ainsi. Je me sentais bien et je me projetais déjà. C’est ici que je voulais être, faire partie de ce dynamisme qu’on percevait partout , et c’est aussi ici que je voulais élever ma fille.

À suivre.